L’explosion des nouveaux médias et de la neuroscience dans le champ social a favorisé ces dernières années l’essor de démarches artistiques interrogeant très directement en quoi notre perception est profondément influencée par des prédispositions inconscientes et comment l’étude de ses mécanismes permet de mieux penser notre relation au monde. En tant que peintre, Nathalie Regard a fait évoluer sa pratique du champ de la représentation vers une approche de plus en plus sédimentée de l’image transformée en code. Sa réflexion phénoménologique s’est toujours accompagnée d’un travail parallèle d’observation et de transcription de ses rêves. La présente exposition retrace un cheminement allant de ses premiers journaux de rêves, réalisés entre 1996 et 2008, à ses recherches neurophysiologiques initiées en 2011.
L’exercice quotidien de transcription des rêves a exercé Nathalie Regard à se les remémorer de manière toujours plus précise. La particularité du rêve est de créer une réalité à laquelle on assiste du dehors bien qu’elle émane de soi. Nathalie Regard infiltre cet écart par une exploration physiologique de l’activité du rêve. Une branche des sciences cognitives qualifiée en anglais de "situated cognition" ou "embodied cognition" défend l’idée que l’on ne peut comprendre le cerveau sans l’inscrire dans un corps, une situation donnée. « Le cerveau existe dans un corps, le corps existe dans le monde et l’organisme bouge, agit, se reproduit, rêve, imagine. Et c’est de cette activité permanente qu’émerge le sens de son monde et des choses » explique le neurobiologiste Francisco Varela.
Avec la collaboration des chercheurs Roberto Toro, neuroscientifique (Institut Pasteur) et Reyes Haro Valencia, neurologue (Clinique du Sommeil, UNAM, Mexique), Nathalie Regard a développé un protocole expérimental de surveillance du sommeil. Intégrer son corps dans ce contexte d’étude lui a permis de reconstruire le milieu d’émergence du rêve, tissé sur les échanges permanents entre le dedans et le dehors, la perception interne et l’environnement. Pendant 80 nuits, ses rêves ont été enregistrés électriquement (méthode EEG) et stimulés de manière auditive, attestant, par moments, leur influence dans le récit de ses rêves. Ces correspondances entre l’activité cérébrale et l’expérience subjective du rêve ont été reportées sous la forme tangible de bas reliefs réalisés à partir de données encéphalographiques en 3D. On pourrait voir ces paysages abstraits comme des trophées balisant une quête impossible, les témoignages de connexions fragiles localisées entre l’état de sommeil et de veille, la possibilité tout juste entrevue d’interagir avec une mémoire corporelle ouvrant sur une conscience élargie de notre présence au monde.
communiqué de presse et commissariat d'exposition pour la
galerie laurent mueller / STUDIO - cycle Code inconnu