© Oeuvre de Janne Räisänen, courtesy galerie Frank Elbaz
« Suomi » (Finlande, en finnois) ou la nouvelle scène artistique finlandaise avec trois jeunes artistes : Janne Räisänen (peintures), Ilkka Halso (photos de paysages), Tuomo Manninen (photos sociales).
Forts de leur matériaux disparates, les travaux de Janne Räisänen sautent à la figure. La Dock Marteens fixée à une des toiles annonce le grand coup de pied iconoclaste qui traverse l’œuvre et fait vaciller nos repères esthétiques. Bienvenue dans un univers grand-guignolesque où apparaissent, vibrants et chaotiques, des corps démembrés ou emportés dans leur mouvement !
Des têtes de footballeurs extraites d'une revue et découpées en médaillon sont disposées en frise autour de la chaussure qui nous surplombe, prolongées par de petits corps tremblants dessinés au crayon. Le tableau I Love Techno est traversé sur toute sa longueur par un personnage dégingandé dont la tête n’est autre qu’un ballon de foot bariolé de rose, affublé d’un faciès inquiétant. Un tee-shirt déchiré fait office de tronc, une bouteille en plastique forme un bras et des traînées verdâtres dans le prolongement de l’autre bras et des jambes suggèrent le reste du corps.
Stripped se compose d’un châssis accroché à l’horizontale, sur lequel est fixé un slip dans lequel on a placé une balle de tennis, traversé de part et d’autre par des ficelles tendues, à la façon du célèbre tableau de Picabia, Danse de Saint-Guy, qui pourrait bien donner son titre à tout ce travail où sport, danse et sexe sont conviés, autant de modes de dépense à fond perdu par lesquels le corps jouit et s’aliène.
Le travail photographique de Ilkka Halso nous fait voir une série d’expériences d’abord réalisées loin des regards, en pleine nature, la nuit. Des parcelles de champ de blé, des arbres ou des fleurs entourés d'échafaudages sont recouverts de bâches, et intensément éclairés. Un carré de blé se transforme en une surface dorée, arraché à la nuit par cette installation qui le met en scène en le plaçant sous les feux de la rampe.
Ces installations dressées en pleine nature tiennent à la fois du laboratoire scientifique et de l’autel sacré, de l’intervention chirurgicale et de la cérémonie. Elles isolent et protègent la nature en même temps qu’elles la magnifient en la recadrant de façon artificielle. Mises en abyme de ces dispositifs spectaculaires, les photos nous situent parfois à l’intérieur de l’enceinte, sous les bâches, ou montrent l’installation dans son environnement naturel.
Ces multiplicités de points de vue rendent compte du dialogue instauré par l’artiste avec la nature. L’installation s’y inscrit comme un habitacle l’abritant, mais aussi comme une immense sculpture cubique irradiée de lumière, posée dans un champ.
Tuomo Manninen photographie depuis 1995 des personnes au travail ou des groupes sociaux. Entre intimité et anonymat, le portrait collectif rassemble des personnes que fédèrent un intérêt ou une activité commune. Group Portrait from Helsinki présente ainsi l’association des amis du sauna de la ville. Certains sont appuyés en maillot contre la rambarde d’un escalier de bois descendant dans la mer, d’autres debout dans l’eau et l’un d’eux assis sur un rebord de béton longeant la mer. Tous regardent vers l’objectif, et une saine félicité se lit sur leur visage, encore trempés et rougis par la baignade. La diversité de leur physique et de leur âge n’empêche pas de leur trouver une certaine ressemblance.
Manninen fait voir cette heureuse complicité qui les rapproche et soulève une question d’ordre social, celle de l’identité. Dans un monde de plus en plus individualiste, les regroupements d’ordre corporatifs, associatifs ou syndicaux sont autant d’alternatives par lesquelles les choix de vie personnels se renforcent et permettent un sentiment d’identification, à une échelle moins étriquée que la famille et moins abstraite que la nation.
Räisänen, Halso, Manninen
Suomi !
Galerie Frank Elbaz, Parispour paris-art.com, 2004