© Elvire Bonduelle
Non Non Non… Elvire Bonduelle ne se livrera toujours pas au bon sens. Voudrait-elle au moins faire un effort ? Elle invente des coussins qui sont comme des cales, triangulaires et imprimés faux bois pour donner, malgré tout, un peu de tenue à son grand corps dégingandé. Mais c’est compter un peu vite sur la demoiselle qui, avec malice, se ménage aussi la possibilité de les adapter à ses poses alanguies. Comme dans un tour de passe-passe, elle les assemble en diverses configurations qui oscillent entre l’ordre et le désordre, l’homogène et l’hétérogène.
Devant ces propositions à l’équilibre fragile, on se demande lequel de ces deux éléments, corps ou coussin-cale, a dû s’adapter à l’autre pour parvenir enfin à un point d’harmonie ! Car même s’ils sont mous, les coussins de forme triangulaire restent assez peu adaptés aux courbes du corps. Au final, on ne saura jamais vraiment si Elvire s’y love ou s’y cale.
Il semblerait qu’à travers ses propositions absurdes, comme avec cette vidéo intitulée Il faut que je m’assouplisse, Elvire flirte constamment avec l’idée de conditionnement, et d’adaptation aux lois sociales. En travaillant cette tension entre des formes géométriques et organiques, qui est une problématique classique de la sculpture, Elvire file l’air de rien la métaphore d’un monde dur et hostile qu’il s’agit de rendre plus confortable.
Elvire s’agite aussi dans des films d’animation réalisés par ses soins. Elle bricole des éléments de décor avec du carton pour décrire ses maladresses et menus malheurs domestiques. Et bien qu’elle finisse par conclure qu’il faut « se détacher des petites choses », l’enfer se situe encore du côté de ces objets sur lesquels elle n’a pas prise.
Les propositions d’Elvire Bonduelle prennent également la forme de comptines semi-innocentes qu’elle chantonne sur des musiques sautillantes et acidulées, composées et jouées au synthétiseur par son ami et complice Séverin Tézenas. Sur l’un des clips les accompagnant, son corps se trémousse avec une maladresse enfantine, au milieu de nuages, dans un monde aérien qui a l’avantage de ne pas être étriqué.
La thématique du corps est omniprésente dans les propositions d’Elvire. Ses éléments de mobilier ou obstacles pour faire de l’exercice physique sont autant de propositions à la fois ironiques et thérapeutiques tournant autour d’un même sujet : l’entrée dans l’âge adulte et l’esprit de sérieux. Comme pour retarder le passage obligé dans la raideur de ce monde, Elvire emprunte, avec une pointe d’humour et de provocation, les sentiers de la régression. Par de constantes allusions à la petite enfance, elle évoque un stade où l’on se confronte encore au réel par le biais d’objets transitionnels.
Des rideaux sont imprimés avec les lettres KK de couleur marron et PP (pie grec deux fois) de couleur jaune, couleurs que l’on trouve également dans les coussins-cales. La pièce intitulée Lit d’ami se compose quant à elle d’un matelas découpé en étoile et recouvert d’une housse jaune pipi, avec, posé en son centre telle une offrande, une couette et un oreiller marrons mis en forme d’étron géant.
Qu’on ne se méprenne donc pas sur l’évidence de ces pièces qui, derrière une naïveté de façade, s’avèrent plus ambivalentes qu’on ne pourrait le penser.
Elvire Bonduelle
Non Non Non
Galerie DedibY, ParisPour la galerie DedibY, 2006