© Courtesy galerie George Ph. & N. Vallois
Hommage à Arman : des premières empreintes d’objets trempés dans l’encre à leur accumulation ou leur destruction par le feu, l’exposition de ses œuvres, galerie Vallois, est l’occasion de redécouvrir la « grammaire objectuelle » de l’artiste.
Frapper le papier à coups de tampons, fouetter la toile avec des objets enduits de peinture, l’énergie physique est à l’oeuvre dès les premiers travaux d’Arman. Ces peintures sans pinceau, intitulées Cachet et Allure d’objet, privilégient l’appropriation directe des objets et rapprochent le peintre des enjeux plastiques du Nouveau Réalisme, dont il signe le manifeste en 1960.
Par la suite, Arman introduit directement l’objet dans ses œuvres. En les enfermant dans des boîtes, il suspend ces objets de leur fonction ustensilaire pour leur donner une visibilité extra-ordinaire. Leur statut est très différent de celui qui prévaut à la même époque dans l’art conceptuel, en raison de son caractère évident de poésie. En intitulant Cyclofiat une accumulation de phares de vélo dans une boîte, Arman confère à l’objet une possibilité de transformation et de polysémie. Son appropriation n’est plus seulement objectale mais imaginaire.
Omniprésent depuis l’après-guerre, l’objet de série instaure le règne du jetable. Avec ses Poubelles, Arman prend acte de ce phénomène de consommation accélérée des objets. D’un point de vue sculptural, cette thématique permet à l’artiste de travailler sur la notion d’espace considéré comme contenant.
Compressés dans des boîtes en plexiglas, les objets enchevêtrés ou en décomposition ne sont guère plus identifiables. Ils s’imposent par la place qu’ils prennent dans l’espace. Leur caractère de rebut indestructible est ici souligné, comme en écho au phénomène naissant du tas d’ordures anarchique, conséquence ultime de leur prolifération envahissante.
Arman rappelle volontiers ne pas avoir inventé ce vocabulaire de l’excès, mais l’avoir trouvé dans la surproduction d’objets caractéristique des années 60 où « sans doute plus d’objets ont été produits […] que dans toute l’histoire de l’humanité ». Assemblages d’objets similaires, les Accumulations jouent sur ce vertige de la fabrication à la chaîne. Les objets perdent leur singularité pour devenir des unités abstraites d’un ensemble plus vaste.
Cette dissolution de l’un dans le multiple marque une rupture d’échelle entre l’artisanat et la fabrication de masse, mais aussi une accélération du temps de production. La Briseuse de vagues, accumulation verticale de tête de pioches est à cet égard particulièrement éloquente.
Excessif, Arman l’est aussi dans ses interventions physiques sur les objets qu’il casse, brise, fend à coups de hache pour en fixer ensuite les morceaux sur des panneaux de bois.
Faut- il donner un sens iconoclaste à ces actions ? Sans doute, lui qui ira jusqu’à brûler un fauteuil bourgeois ! Mais il y a aussi ce désir de rendre les objets plus proches, moins fermés, pour s’en approcher et les sonder. Casser, oui, mais pas n’importe comment.
Adepte d’art martiaux, notamment du judo qu’il pratiqua avec son ami Yves Klein, Arman a l’art de la justesse du coup, où la maîtrise du mouvement est condition de l’efficacité du geste. Il réalise d’ailleurs plusieurs Colères en public ou devant les caméras de la NBC. Les objets sur lesquels elles se portent donnent à l’acte une implication symbolique ou émotionnelle variable. Son caractère critique et contestataire, auquel on songe devant une télévision brisée en mille morceaux, a une portée lyrique et transgressive lorsqu’il s’agit d’un instrument de musique.
Accumulations et Colères forment un répertoire de gestes dont les implications symboliques, affectives ou émotionnelles changent en fonction de l’objet sur lequel ils se portent.
La Coupe est en revanche un type d’intervention moins polysémique. Elle induit une approche plus rationnelle de l’objet et constitue sans doute l’acte le plus apollinien de la palette gestuelle d’Arman. L’objet s’exhibe en plusieurs morceaux, faisant penser à la phase analytique du Cubisme. Exposée dans la galerie, la coupe de contrebasse intitulée Subida al cielo est sans doute l’une des plus remarquables.
Arman
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Galerie Vallois, ParisPour paris-art.com, 2006