© Courtesy galerie Daniel Templon
Cinq cubes de verre posés sur des socles en plexiglas sont disposés dans l’espace de la galerie. Leur apparente sobriété est immédiatement court-circuitée par la coloration irisée de leur surface. Contrebalançant la sévérité de la forme, elle introduit une labilité de l’expérience sensible qui contraste avec l’exigence de clarté formelle poursuivie par le minimalisme.
Ce rendu chatoyant de la surface fut à l’époque perçu comme typiquement californien, dans l’esprit du Finish Fetish. Étaient regroupés sous cette appellation les artistes employant des matériaux industriels comme la fibre de verre pour donner à leurs travaux les qualités lisses et réfléchissantes des carrosseries de voiture ou de planches de surf. Mais contrairement à ces artistes, le procédé de coloration employé par Bell n’était guère facilement accessible et limite de ce fait l’influence de la pop culture californienne sur ses travaux.
Quelle est la nature de cette coloration moirée et vaporeuse ? C’est en faisant chauffer de l’aluminium dans une cuve où il place également les sculptures que l’artiste produit le revêtement métallique qui les colore. Par ce procédé, les faces du cube, toujours transparentes, sont également réfléchissantes et filtrent la lumière, provoquant des reflets à l’intérieur du volume. Ce qui paraissait si stable au premier regard prend une apparence confuse. Lorsqu’on regarde l’intérieur du cube, les faces semblent s’être détachées pour y flotter sans attache.
Cette dimension illusionniste à laquelle on peut rester suspendu comme en hypnose, tant il est difficile de bien saisir ce qu’il se passe au juste sous nos yeux est le fruit d’un jeu savant d’interaction entre l’espace et la lumière. Cet aspect rapproche Larry Bell d’artistes comme Robert Irwin ou James Turrell. Il partage avec eux un même intérêt pour la phénoménologie de la perception: les déplacements du spectateur définissent l’aspect des sculptures de Bell et sont de ce fait un vecteur essentiel de l’oeuvre.
Décrivant son travail, Larry Bell disait : « mes travaux traitent de rien et illustrent au sens le plus littéral le vide et l’absence de contenu ». Le spectateur est, certes, confronté à un espace vacant, mais infiniment variable. Cette vacuité des sculptures est également ce qui permet d’opèrer des liaisons entre les qualités matérielles de l’œuvre, le spectateur qui la regarde et l’espace d’exposition qui la contient. Ces cubes fonctionnent comme des révélateurs d’une expérience perceptive dont ils sont le réceptacle.
Larry Bell
Cubes
Galerie Daniel Templon, ParisPour paris-art.com, 2006