© Courtesy galerie Daniel Templon
Le peintre italien Valerio Adami expose actuellement des travaux réalisés entre 2001 et 2004. Une profonde unité se dégage de chacune des compositions, de la saturation des surfaces où ne subsiste aucun blanc, aucune trace de doute ou d’inachèvement.
Personnages, paysages et objets s’articulent en des compositions complexes qui n’obéissent à aucune règle préétablie. Depuis des années maintenant, Adami a travaillé à mettre en place un langage plastique singulier, à la syntaxe rigoureuse, où les notions d’espace et de profondeur, de relation entre sujet et objet sont entièrement bouleversées, repensées de manière à pousser l’expression à son maximum d’intensité.
La ligne, le trait du dessin, commande tout ce jeu. Pas un tableau n’est réalisé sans que sa construction n’ait été au préalable définie au détail près. La ligne cherche son parcours dans le dessin préparatoire pour circuler ensuite sans hésitation dans l’espace du tableau qu’elle divise, sépare en plans, articule en figures et objets. Epaisse et noire, elle enchaîne les humains et les choses, les soude entre eux pour en stabiliser définitivement les rapports.
Il ne s’agit jamais, pour Adami, de restituer le monde de manière réaliste, qui limiterait l’expression créative à la perception naturelle, confuse, toujours changeante du monde. Les impressions sont transposées par un assemblage mental qui ne cède jamais rien à l’ordre naturel des choses. Le tableau est le résultat final de manœuvres graphiques recourant à l’ellipse, au collage, au travail de la mémoire. Les artifices narratifs propres au cinéma, comme celui de la coupe et du montage sont toujours à l’œuvre dans ces constructions plastiques.
Les tableaux déclinent des mises en scènes de couples, issus de la mythologie ou du quotidien. Lorsqu’ils s’enlacent, comme c’est le cas pour Figuracontrafigura ou Uomo e Donna in Palestra, l’étreinte des corps ressemble à une fusion impossible, où chaque personnage est finalement renvoyé à sa solitude. Le maniement de contrastes colorés opposant des pourpres à des tonalités glaciales, une ligne noire qui traverse et scinde les corps sont les équivalents plastiques par lesquels Adami figure le drame.
Ces variations autour d’un même thème, le couple, s’intensifient et prennent une épaisseur expressive par ces recours à l’artifice. Celui des couleurs, d’abord, dont la saturation et l’intensité parfois quasi phosphorescente ne sont prélevées d’aucune réalité extérieure et qui apportent, par leur forte présence, une humeur, une tonalité psychologique au dessin. Les accessoires ont également leur importance dans la construction de ces allégories : radiateur, téléphone, bicyclette, ventilateur et sac à main occupent l’espace avec autant d’aplomb que les personnages.
On remarque ces mises en place efficaces de l’accessoiriste dans une composition comme Figuracontrafigura, où le cintre sombre qui pend contre un mur de la chambre et les persiennes cassées chargent la composition d’une atmosphère oppressante, sans que l’on sache vraiment d’où ces objets banals tirent une telle puissance.
La représentation de rideaux, arcades, fenêtres et autres éléments d’architecture souligne aussi le caractère fabriqué de l’image. Aucune parcelle de l’œuvre n’est abandonnée aux désordres du sentiment et du pathos. Ces constructions sévères et calibrées proposent comme une retranscription objectivée des sentiments, semblables en cela au chant lyrique où douleur et mélancolie s’expriment, mais de façon étudiée et précise.
« Peindre moins et penser plus — la mémoire rumine — on perd son ego, on devient instrument, violon ou piano », écrivait le peintre.
Valerio Adami
Préludes et après-ludes
Galerie Daniel Templon, ParisPour
paris-art.com, 2004